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Les apparences sont bien trompeuses
--> Sujet: Il vous est sans doute arrivé d'observer dans des circonstances que vous préciserez, une personne inconnue et d'imaginer son existence d'après son apparence et son comportement.
Ce matin-là, je venais de prendre mon petit-déjeuner à l'intérieur de la péniche, où je séjournai en centre de vacances et je me rendis sur le pont. Un de mes animateurs était en train de retenir la corde qui permettait de stopper le navire, au passage d'une écluse, sur le canal Saint Martin. Je lui proposai alors de l'aider, et comme que je tendais la corde, j'aperçus un homme, à la démarche nonchalante, sur les bords du canal. À la vue de l’individu, les passants faisaient un détour. En effet, il n'avait rien de très attirant. Malgré la canicule qui sévissait déjà depuis plusieurs semaines le pauvre hère portait au pied des chaussures d'hiver, très usées, qui laissaient apparaître des chaussettes devenues noires. Un large pantalon kaki, maintenu par une cordelette, lui tombait en dessous des genoux dévoilant des mollets filiformes et il revêtait une chemise qui devait être à l’origine à carreaux .L’homme avançait, indolent et il semblait inspecter l’eau du canal comme s’il avait perdu quelque chose .Il devait être âgé d’une quarantaine d’année car ses cheveux, hirsutes ,étaient encore d’un noir profond, et son visage émacié ne trahissait pas de rides .Cependant malgré son apparence piètre, son regard dévoilait une douceur et une souffrance mêlée. Il s’arrêta quelques secondes et sortit de sa poche un cadre, l’observa quelques secondes ,le serra contre sa poitrine et s’essuya les yeux du revers de sa chemise. Cet homme me troubla et je me sentis d’un seul coup très mal à l’aise. Mille et une questions et réflexions se bousculèrent en moi. Peut-être avait-il eu une vie difficile, semée d'embûcheS. Peut-être avait-il eu une femme, des enfants ? Que lui restait-il désormais ? Sa vie était probablement ratée, comme beaucoup d'autres vies, d’ailleurs !A-t-il déjà été heureux ? Oui, je le pense, car pour verser une larme, il faut avoir eu du bonheur auparavant. Peut-être en a-t-il eu jadis ? Il avait sûrement un métier, car il avait eu l’opportunité de mener une vie de famille. Mais, peut-être qu'un jour tout a basculé .Un soir il n'est pas rentré… Il n'a peut-être pas eu l’énergie nécessaire d'annoncer à sa famille qu'il devrait tout vendre, partir, chercher un nouvel emploi. Le chômage devait l'avoir probablement atteint et il s'était alors échoué dans un bistrot. Sans le sou, il a dormi sur les bancs, sur le pavé, dans les parcs, dans les bouches de métro… On pouvait jurer qu'il connaissait tout Barbès, tout Denfert-Rochereau. Ses meilleures nuits, quand les avait-il passées? Et où ? Dans un commissariat peut-être ? Dans une cellule de garde-à-vue, accusé de vol de pommes ou de noix ? Qu'était devenu ses chers dîners familiaux? Que mangeait-il maintenant qu'il appartenait au peuple de la rue ?Des épis de maïs cuits à la sauvette sur un chariot? De la salade dérobée sur un marché? Je fus tiré de mes pensées par mes camarades qui ,tout comme moi avaient aperçu ce « gueux » Les railleries allaient bon train quand soudain je compris de quoi était composé ses repas !Le quidam venait d’apercevoir un poisson mort dans le canal. Il s’allongea au bord même du quai, retroussa sa manche ,plongea sa main et retira la « friture » De nombreux badauds s’arrêtèrent, médusés. Mais, l’individu ne prêta aucune attention au mouvement de foule sur les quais, pressa le pas emportant précieusement le poisson qu’il venait de prendre .Bientôt ,je ne devinai plus que sa silhouette au loin.Ca y est il avait disparu. Je songeai à cet homme toute la journée et il est vrai que je me sentis préoccupé et démuni devant cette misère. Le soir, pendant le repas, j’étais comme absent. Je revoyais la scène du poisson. Ainsi ce curieux personnage satisfaisait sa faim de cette manière. Le lendemain matin, alors que l'on était amarré dans le bassin de La Villette, nous fûmes réveillés par un imposant mouvement de foule, des cris et des grésillements de flash d'appareil photo se faisaient ressentir. Nous montâmes alors sur le pont et sur le quai, nous aperçûmes des camionnettes du CNRS. Près du bateau, un journaliste parlait, tout en montrant de temps en temps l'eau. Et là, je réussis à distinguer des brèves du discours : « …chercheur…pollution…Seine et les canaux de Paris …taux de plomb supérieur à la moyenne…catastrophe écologique…poisson mort » et le journaliste vint interroger… « le pauvre hère » de la veille : ce n’était pas un marginal, mais un chercheur du CNRS ! Ainsi, il ne faut pas juger les gens sur leur apparence ou leur comportement, mais pour ce qu’ils sont. Les apparences sont bien trompeuses ! Ecrit par Skipp', le Samedi 20 Mars 2004, 15:07 dans la rubrique "Mes Textes".
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