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Commentaire littéraire : Commentez le poème de Hugo (Texte B) [corrigé]

I - L'ANALYSE DU SUJET

Le commentaire fait référence à l'objet d'étude la "poésie". Il s'agit d'un texte de Hugo qui rejette les règles classiques et qui du coup propose une véritable révolution poétique. Ce poème des Contemplations date de 1856 et fait référence à une poésie plus engagée que lyrique de Hugo (il a déjà publié les Châtiments). Rimbaud dira "il faut changer la vie" ; Hugo dit ici qu'il faut changer la poésie.
Ces quarante vers de Hugo, "Réponse à un acte d'accusation" dans Les Contemplations, rejettent les règles classiques et proposent que l'écriture poétique soit enfin libre. Il apparaît urgent pour Hugo de révolutionner l'écriture poétique.
Il s'agit d'une poésie argumentative de Victor Hugo. Ces quarante vers sont une tribune des idées du poète. La poésie apparaît comme un moyen d'inscrire une thèse. Hugo s'écrie qu'il est urgent de retirer la poésie de ses chaînes, il faut la rendre libre. Cependant il faudra bien noter que l'auteur ne s'attaque ici qu'au vocabulaire et que la révolution qu'il propose n'est ici que partielle.
Ce poème présente deux situations d'énonciation : les dix-neuf premiers vers sont une peinture des mots d'Ancien Régime (la troisième personne) ; les vingt derniers vers sont une narration à la première personne du singulier.

II - LES REACTIONS A CHAUD DU PROFESSEUR

Il s'agit d'un long poème de Hugo qui pouvait a priori dérouter les élèves : le vocabulaire est assez technique, les noms propres abondants. Il ne fallait pas se laisser décourager, mais bien plutôt se laisser entraîner par le flux des alexandrins de Hugo. Le rythme du poème est alerte, ce qui rend Victor Hugo très persuasif. Il était périlleux de proposer un commentaire linéaire du texte, trop long. Il était préférable de proposer un commentaire analytique thématique qui mît en relation deux états de la poésie : l'un dépassé, l'autre à venir. Toutefois, si Victor Hugo s'autorise un lexique quelquefois familier, il écrit en alexandrins à rimes suivies en alexandrins musicaux.

III - UN TRAITEMENT POSSIBLE DU SUJET

Quelle est la conception de la poésie que nous livre ici Hugo ?

A - LA SITUATION POETIQUE AVANT L'ARRIVEE DE HUGO

1) Les mots "d'Ancien Régime"

Hugo dresse un état des mots "d'Ancien Régime". En effet, les mots sont personnifiés. Il y a les mots choisis, les "nobles, hantant les Phèdres, les Jocastes, les Méropes", "l'Académie", "le vieux dictionnaire", le "mot sénateur". Il y a les mots rejetés, le "Tiers-état". Hugo utilise un vocabulaire très fort pour montrer que sont systématiquement critiqués tous les mots "d'en bas". Ces mots sont appelés "gueux, vilains, rustres, croquants". Les mots "d'en bas" sont habillés "en haillons", "sans bas, sans perruque".
"Les uns, nobles", sont à "Versailles", et ont "le décorum pour loi". "Les autres, tas de gueux", sont "marqués d'une F", qui signifie "Familier". Hugo file la personnification jusque dans la juxtaposition des adjectifs de l'humain. On peut se reporter au vers 14 du poème

2) Le regard des "Anciens"

Le regard sévère des "Anciens" est souligné de telle sorte qu'Hugo invite à le rejeter. Racine, qui est cité dans le poème, regarde "de travers" tous ceux qui s'écartent des normes classiques. Il considère les "Modernes" comme des "marauds". Corneille qui était un moderne n'ose rien dire : "le bonhomme Corneille, humble, se tenait coi". Hugo fait ici allusion à la querelle des "Anciens" et des "Modernes" qui éclata officiellement à la fin du XVIIe siècle. Hugo fait aussi allusion à la séparation entre Tragédie et Comédie. Beaucoup de poètes véhiculèrent alors la doxa classique au XVIIIe siècle. La situation n'est plus tenable, alors Hugo est arrivé. Pourquoi la "prose" ou la "farce", n'auraient-elles pas eu le droit de s'exprimer?

3) Une situation à bout de souffle

Hugo critique la poésie classique à cause de tous les interdits qu'elle proposait tant pour le théâtre que pour la poésie. Il fallait, d'après Hugo, que le poète fût moins encombré par les normes classiques et qu'il laissât ainsi libre cours à son imagination. Il faut comprendre que comme la situation poétique était bloquée, il fallait intervenir d'urgence. Aussi Hugo arrive-t-il avec tambours et trompettes, il fit "une tempête", et brisa "le compas". Au "pourquoi" du vers 20, il oppose le "pourquoi pas" du vers 40.
De même qu'avant la révolution de 1789, les inégalités n'étaient plus tenables ; de même toute écriture poétique a besoin d'être entendue. Devant cette situation, à bout de souffle, la poésie a besoin d'un nouveau souffle. "Alors, brigand, je vins", dit Hugo, "je fis souffler un vent révolutionnaire". Hugo ose renverser la situation qui faisait autorité. "Pourquoi ceux-ci toujours devant, ceux-la toujours derrière?".

La situation poétique au moment où Hugo écrit cette "Réponse à un acte d'accusation" n'est plus tolérable, elle nécessite une révolution. Les alexandrins devront être moins "carrés"...

B - HUGO : LE POETE REVOLUTIONNAIRE

1) Le jeu du "je"

"Et s'il n'y en avait qu'un, je serais celui-là", pensait Hugo. On pouvait noter l'omniprésence de la première personne du singulier en début de vers : "Je fis, je mis, je dis, je bondis". Le "je" revient sans cesse à partir du vers 20, et confère au poème une nouvelle musique. D'autant que la plupart du temps, le "je" est anaphorique.
De plus, Hugo est le poète qui agit. Il n'est pas un simple révolté, il est un révolutionnaire. Pour nous en convaincre, nous pouvons relever les nombreux verbes d'action. Hugo est dans tous ses états. En "brigand", en bête sauvage, Hugo bondit "hors du cercle", c'est-à-dire hors des règles (même s'il continue à proposer un poème tout en alexandrins).
Il fallait également relever le champ lexical abondant de l'action révolutionnaire. Hugo dit clairement qu'il fallait mettre "le bonnet rouge au vieux dictionnaire". A la lecture de ce poème, nous signalons l'hypotypose du combat entre les différents "bataillons". C'est le "vieux dictionnaire", les remarques de Vaugelas contre le "bagne Lexique" qui demande à être entendu.

2) La réaction des "Anciens"

Hugo joue ensuite à imaginer les conséquences d'une telle révolution poétique. Les "Anciens" seraient offusqués du rejet des figures de style auxquelles ils sont tant attachés (on pouvait citer les figures de style très sonores citées par Hugo : la syllepse, l'hypallage, la litote). ces figures de style personnifient les Classiques puisqu'elles "frémirent". Les "Anciens" apparaissent donc comme des poltrons terrorisés à l'idée de perdre leurs marques. Le groupe nominal au vers 33 "discours affreux !" noté au style indirect libre finit de les ridiculiser dans leur langage précieux. Hugo annonce la fin des privilèges.
Les membres de l'Académie sont également moqués par Hugo. L'Académie apparaît comme une vieille femme qui cache "sous ses jupons les tropes effarées". L'Académie est donc effrayée.
Hugo, dans ce poème, se plaît à ridiculiser le côté étriqué des classiques.

3) La nouvelle poésie de Hugo

Hugo, derrière cette critique, propose une nouvelle poésie, une poésie plus légère, une poésie plus libre dans son expression. La nouvelle poésie sera la poésie de l'audace. Les "Anciens" sont des "toutous auprès des audaces" de Victor Hugo.
Hugo est partisan des "mots égaux, libres, majeurs". Grâce à Hugo, la poésie pourra s'exprimer, Hugo se revendique comme créateur. La poésie doit être innovation. Le poète veut pouvoir nommer "le cochon par son nom", c'est-à-dire être libre du choix de ses mots, sans pour autant être soumis à la censure.

On pouvait noter avec délice le génie de Hugo qui d'un revers de main crie haut et fort qu'il rejette les normes classiques, le vocabulaire classique étriqué, mais qui tout de même écrit en alexandrins à rimes suivies, utilise des figures de style. Mais chez Hugo, c'est naturel. Ses alexandrins sont narratifs : notons le passé simple pour nous en convaincre.

IV - LES ERREURS A EVITER

Il paraissait difficile de proposer un commentaire linéaire de ses quarante vers de Hugo. Il s'agissait de voir l'audace de Hugo dans le maniement des différents registres. Hugo manie à merveille le langage soutenu et le langage familier. Cela va dans le sens d'une poésie qui se veut argumentative, qui veut attirer toute l'attention du lecteur.